The Loft David Mancuso
David Mancuso, considéré comme l'un des pères de la culture club vient de nous quitter à l'âge de 72 ans.
Voici une playlist de 100 classiques joués au Loft pour lui rendre hommage.
La musique disco aura été, dès sa genèse et durant les deux décennies qui suivirent, un symbole de mixité et de contradiction, évoluant dans un milieu mélangeant hétérosexuels et homosexuels, noir et blanc, le glamour et le délabrement, la légèreté et la gravité… A une période où chacun décuvait, dans son coin et désabusé, des idéologies et du trop plein d'amour des années 1960, un homme était toujours animé par la conviction que la passion pouvait sauver des vies. David Mancuso, né en 1944 dans l'état de New-York et dont l'apparence de l'époque pouvait évoquer un mix entre Starsky (du célèbre duo de policiers) et Jim Morrisson, période 1969/1971 (les trips chamanistes en moins), se lança, parallèlement à ses activités en faveur de la paix et des homosexuels, dans le grand bain de l'activisme nocturne new-yorkais.
Love Saves the Day : la vie est un festin
Mancuso occupait alors illégalement le Loft, hangar désaffecté parmi tant d'autres, situé au 647 Broadway, au Nord de SoHo. Inspiré par le côté psychédélique du jazz et du R'n'B, Mancuso a lancé les soirées Love Saves the Day, dans lesquelles il passait des cassettes qu'il préparait à l'avance en lançant des effets sonores pour lier les morceaux entre eux. Le flux d'information sonore était ainsi continu et ses amis pouvaient danser sans s'arrêter : révolutionnaire. Le soucis du public et de l'ambiance des soirées fut la préoccupation première de David Mancuso.
Le 14 février 1970, les soirées Love Saves the Day devinrent hebdomadaires et ces événements, jusque là accessibles sur invitation, devinrent réservés au membres, sur inscription gratuite. Bien que privées et à la limite de la légalité, les Love Saves the Day ne rencontrèrent que très peu d'ennuis avec la police, Mancuso ne proposant que des boissons sans alcool et des fruits, compris dans les trois dollars que coûtaient l'entrée.
Très vite, le Loft devint le refuge d'une partie de la communauté homosexuelle qui ne se sentait pas libre dans les différents clubs de New-York. Communauté hippie éphémère, famille de substitution, le Loft se voulait reprendre l'esprit collectiviste des années 1960, en prônant moins la justice sociale que l'amour et l'échange.
Beaucoup de DJs s'inspirèrent de Mancuso et du Loft : Nicky Siano, Larry Levan, Franckie Knuckles ou David Rodriguez furent tous des Loft Babies avant de devenir les DJs disco de la deuxième génération.
Diggueur fédérateur
Avec Alex Rosner, ingénieur en électronique rescapé de l'Allemagne Nazie, Mancuso conçut le sound system légendaire du Loft. Les aigus rutilants et les basses emmitouflantes avaient pour but de reproduire les rythmes naturels et organiques "vieux de trois milliards d'années".
Rythmant la musique comme une journée, tantôt intense, tantôt douce, Mancuso avait la réputation de passer des disques injouables en soirée. Danny Krivit fut lui-même l'un des premiers adeptes de la musique du Loft : "L'ambiance du Loft était vraiment unique. Ils passaient des disques que j'avais achetés et que j'aimais beaucoup, mais que j'avais du mal à jouer devant un public".
La rumeur veut que le public du Loft ait été tellement emporté par les soirées qu'il pleurait en entendant Missa Luba des Troubadours du Roi Baudoin et se déchaînait sur Sweet Sixteen de Diga Rythm Band. Élément marquant du succès et de l'aspect fédérateur du Loft : lorsque David Mancuso passait un titre qu'il avait découvert et qui plaisait au public, les ventes de ce disques s'envolaient les jours suivants.
Il prouva ainsi que les discothèques pouvaient influencer sur les ventes d'un disque, envoyant un signal fort aux maisons de disques qui, jusque là, considéraient ces lieux comme des endroits de débauche irréfléchie et dénuée de toute notion culturelle.
Source: Le Sucre